Le siège de la matière de l’entretien après le divorce se trouve à l’art. 125 CC, qui prévoit qu’un époux a droit à une contribution d’entretien équitable de la part de son conjoint lorsqu’on ne peut raisonnablement pas attendre qu’il pourvoie lui-même à son entretien convenable et qu’il constitue une prévoyance vieillesse appropriée.

Cette disposition consacre les deux principes cardinaux et complémentaires de l’entretien du conjoint après le divorce, à savoir le principe de solidarité des époux après le divorce et le principe de l’indépendance économique dit du « clean break ».

Le principe de la solidarité implique que les époux doivent supporter en commun les conséquences de la répartition des tâches convenues durant le mariage conformément à l’art. 162 al. 2 CC ainsi que les désavantages qui ont été occasionnés à l’un d’eux par le mariage et qui l’empêchent de pourvoir à son entretien (CPra Matrimonial-SIMEONI, ad. art. 125 CC N 5 ; CACI n°342 du 8 juin 2018, c. 5.2.1 ; ATF 132 III 598, c. 9.1).

Le principe du « clean break », ou de l’indépendance économique, postule que, dans toute la mesure du possible, chaque conjoint doit subvenir lui-même à ses propres besoins après le divorce et doit être encouragé à acquérir cette indépendance économique (idem et CR CC I-PICHONNAZ, ad. art. 125 CC N 5).

Le principe de l’indépendance financière prime celui de la solidarité, en ce sens que le conjoint n’a droit à une contribution d’entretien que lorsqu’il n’est pas en mesure de pourvoir seul à son entretien convenable et si l’époux débiteur dispose effectivement d’une capacité contributive (CPra Matrimonial-SIMEONI, ad. art. 125 CC N 6).

Le Tribunal fédéral a développé trois étapes pour la fixation de la contribution d’entretien :

Premièrement la détermination de l’entretien convenable d’après le niveau de vie des époux, si l’union a concrètement influencé ceux-ci (1), puis l’appréciation de l’éventuelle autonomie financière de l’éventuel ex-conjoint créancier (2) et finalement la fixation de la contribution d’entretien appropriée (3) (CPra Matrimonial-SIMEONI, ad. art. 125 CC N 8 ; ATF 137 III 102, c. 4.2). Dans son principe comme dans sa durée et son montant, l’obligation d’entretien doit être fixée en tenant compte des éléments indiqués non-exhaustivement à l’art. 125 al. 2 CC, comme l’âge et l’état de santé des époux et la formation professionnelle (CACI n°342 du 8 juin 2018, c. 5.2.1).

Une contribution d’entretien est due si le mariage a concrètement influencé la situation financière de l’époux créancier. Il faut ainsi toujours distinguer si l’on se trouve en présence d’un mariage sans répercussions négatives sur l’autonomie économique d’une personne (mariage sans enfants, de courte durée, sans interruption de l’activité lucrative, etc.) ou avec de telles répercussions (mariage de longue durée, soins dus aux enfants, longue inactivité lucrative, déracinement culturel ou linguistique, etc. – CACI n°342 du 8 juin 2018, c. 5.2.1).

La jurisprudence a à cet égard posé des jalons en la forme de présomptions, comme celle selon laquelle un mariage influence concrètement la situation des conjoints lorsque ceux-ci ont des enfants communs (ATF 135 III 59, c. 4.1). Ces présomptions peuvent toutefois être renversées (idem). Par exemple, un mariage de longue durée peut n’avoir exercé aucune influence sur la situation économique d’un conjoint qui n’a pas renoncé à exercer son activité lucrative, alors même que son conjoint a un très haut revenu et a accepté d’entretenir le ménage et d’apporter à celui-ci un train de vie élevé (CPra Matrimonial-SIMEONI, ad. art. 125 CC N 15 ; TF 5A_308/2009, c. 2).

Cela étant dit, même en cas de mariage ayant concrètement influencé la situation des conjoints, le principe de l’autonomie prime le droit à l’entretien (CACI n°342 du 8 juin 2018, c. 5.2.1 ; ATF 137 III 102, c. 4.1.2).

La deuxième étape de réflexion amène le juge à examiner la capacité pour le conjoint créancier de subvenir seul à son entretien. En droit de la famille, le juge fixe les contributions d’entretien en se fondant, en principe, sur le revenu effectif des parties. Il peut toutefois imputer à celles-ci un revenu hypothétique supérieur. Il s’agit d’inciter la personne à réaliser le revenu qu’elle est en mesure de se procurer et que l’on peut raisonnablement exiger qu’elle obtienne afin de remplir ses obligations. La prise en compte d’un revenu hypothétique ne revêt pas un caractère pénal (CACI n°342 du 8 juin 2018, c. 5.2.2 ; ATF 137 III 102, c. 4.2.2.2 ; TF 5C.40/2003 du 6 juin 2003, c. 2.1.1).

Notons ici en préambule que la jurisprudence du Tribunal fédéral a relevé l’âge auquel pourraient hypothétiquement se présenter des difficultés de réinsertion professionnelle au-delà de 50 ans (cf. arrêt TF 5A_593/2017).

Lorsque le juge entend tenir compte d’un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Tout d’abord, il doit déterminer s’il peut être raisonnablement exigé de la personne concernée qu’elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge, au besoin d’éducation des enfants et à son état de santé. Il s’agit là d’une question de droit (CR CC I-PICHONNAZ, ad. art. 125 CC N 41 ss. ; TF 5A_454/2017 du 17 mai 2018, c. 6.1 ; ATF 137 III 102, c. 4.2.2.2).

La jurisprudence récente souligne une conception plus moderne du travail et de la répartition au sein des familles, et préconise désormais un examen concret de chaque situation. L’arrêt expose notamment les différentes méthodes cantonales et tendances doctrinales pour déterminer le moment de la reprise ou de l’augmentation du taux d’activité, comme celle qui soutient que ce sont les degrés scolaires des enfants qui devraient être déterminants (TF 5A_454/2017, c. 6.1.2.1 ss. ; DE WECK-IMMELE/SAINT-PHOR, La Contribution de prise en charge : de nouveaux repères ? in Newsletter DroitMatrimonial.ch septembre 2018). Ainsi, il est possible de fixer des règles visant à imposer l’exercice d’une activité lucrative au parent qui assume la prise en charge personnelle de l’enfant, en fonction des degrés scolaires. Le Tribunal fédéral retient dès lors la ligne directrice suivante : une obligation de travailler à 50% dès l’entrée à l’école obligatoire du plus jeune enfant, puis à 80% dès qu’il entre à l’école secondaire et, enfin, à plein temps dès qu’il atteint l’âge de 16 ans (cf. ATF 144 III 481, c. 4.7.6).

Ensuite, le juge doit vérifier si la personne a la possibilité effective d’exercer l’activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail. Il s’agit là d’une question de fait (idem).

La jurisprudence retient que lorsqu’un époux renonce volontairement à une activité lucrative, alors qu’il travaillait déjà avant la séparation, il n’est pas arbitraire de lui imputer le revenu qu’il gagnait précédemment, ce avec effet rétroactif au jour de la renonciation, si le changement professionnel envisagé implique une diminution significative de son revenu par rapport à celui qu’il pouvait réaliser grâce à son précédent emploi, d’une part, et s’il ne démontre pas avoir entrepris des démarches sérieuses afin de concrétiser sa réorientation professionnelle, d’autre part (CACI n°342 du 8 juin 2018, c.5.2.2 ; TF 5A_589/2017, c. 5.3.2).

Lorsque le conjoint est un travailleur indépendant, son revenu moyen doit s’établir en tenant compte du bénéfice net moyen (la différence entre les produits et les charges). Pour les chiffres, on peut se fonder sur la comptabilité établie dans le cadre de l’activité, voire, à défaut, sur les déclarations fiscales. Il est possible de se fonder sur le montant des prélèvements privés durant la vie commune, notamment en présence de chiffres comptables peu crédibles et incomplets, tout en tenant compte d’une variation des bénéfices. Il faut en outre autant que possible tenir compte des évolutions futures des revenus (CPra Matrimonial-SIMEONI, ad. art. 125 CC N 47 ; TF 5A_834/2016, c. 5.1.5 et 5.1.7).

De plus, les revenus de la fortune doivent être pris en compte au même titre que les revenus d’une activité lucrative. Lorsque la fortune ne produit pas de rendement ou seulement un rendement faible, il peut être tenu compte d’un revenu hypothétique (CPra Matrimonial-SIMEONI, ad. art. 125 CC N 52). Tel est le cas dans la situation d’un conjoint qui pourrait gagner davantage en faisant preuve de bonne volonté ou en fournissant l’effort que l’on peut raisonnablement exiger de lui en mettant en locations des habitations dont il est propriétaire afin que sa situation de déficit soit résorbée (DE LUZE/PAGE/STOUDMANN, Droit de la Famille, ad. art. 125 CC N 2.30ss.).

C’est le lieu de rappeler que l’attribution d’une rente après le divorce suppose la connaissance des moyens économiques du requérant après le divorce, afin que ses besoins en matière d’entretien puissent être appréciés de manière sûre. Partant, les fondements de la prétention doivent être solidement motivés par la partie qui s’en prévaut, conformément à l’art. 8 CC. Puisqu’une contribution d’entretien ne peut être accordée après le divorce que si celui qui y prétend est incapable de subvenir à son propre entretien, il appartient à la partie requérante à tout le moins d’exposer de manière détaillée où elle vit, ce que lui coûte son entretien courant et quels sont les revenus qu’elle serait en mesure d’obtenir (DE LUZE/PAGE/STOUDMANN, Droit de la Famille, ad. art. 125 CC N 2.10 ; TF 5A_63/2009 in JdT 2010 I 158, c. 2 et c. 7).

Notons à cet égard que le refus de collaborer au renseignement sur ses revenus peut avoir pour conséquence de convaincre le tribunal de la fausseté complète ou partielle des allégations de l’époux qui refuse de collaborer, et par conséquent amener le tribunal à croire les indications de l’autre époux (TF 5A_591/2011 c. 4.1.2 ; ATF 118 II 27, c. 3).