L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs est un puissant moyen de droit privé qui permet, par l’inscription d’une hypothèque sur l’immeuble où des travaux ont été effectués, d’assurer à l’artisan qui les a réalisés le paiement de sa prestation.
Conditions
1) Un travail effectué par un artisan ou entrepreneur
L’artisan doit avoir effectué une prestation qui entre dans le champ d’application de l’art. 837 du code civil (CC). La loi cite, notamment, les travaux de construction ou de destruction, le montage d’échafaudages, la sécurisation d’une excavation et la fourniture de matériaux ou de travail. Toutefois, cette liste n’est pas exhaustive et il convient de vérifier attentivement, dans chaque cas d’espèce, si le travail effectué ouvre la voie à une hypothèque légale.
D’une manière générale, les prestations individualisées ou non réutilisables auprès de tiers (par exemple la livraison de béton frais) entrent dans le champ d’application de l’hypothèque légale.La qualification du contrat passé entre l’entrepreneur et le maître de l’ouvrage n’est, en soi pas importante même s’il s’agit, généralement, d’un contrat d’entreprise. Un contrat de vente avec obligation de montage peut,dans certains cas, ouvrir la possibilité à une hypothèque légale par exemple.Toutefois, les prestations purement intellectuelles (comme l’établissement de plans par un architecte ou la surveillance d’un chantier) n’ouvrent pas la voie à une hypothèque légale.
2) Le travail doit être effectué sur un immeuble
L’artisan doit avoir effectué des travaux sur un immeuble, et non sur un objet mobilier. Il n’est par contre pas nécessaire que le travail effectué apporte une plus-value à l’immeuble: un travail de démolition ouvre, par conséquent, la voie à une hypothèque légale.
3) L’artisan possède une créance contre le propriétaire ou l’entrepreneur général
L’artisan doit posséder une créance contre le propriétaire de l’immeuble ou,dans le cas du sous-traitant, contre l’entrepreneur général. Cela signifie que l’artisan doit être au bénéfice d’un contrat (qui peut être non écrit) selon lequel la partie adverse lui doit rémunération pour la prestation effectuée.La créance n’a toutefois pas besoin d’être exigible au moment de l’inscription de l’hypothèque légale.
4) L’immeuble doit pouvoir être grevé
Dans certains cas, l’immeuble en question ne peut tout simplement pas être grevé d’une hypothèque, notamment pour les motifs suivants:
art. 73, 75 LDFR: lorsque la charge maximale de l’immeuble agricole est atteinte;
art. 6 LFAIE et 1 OFAIE: si l’entrepreneur est considéré comme un étranger selon la Loi sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger;
art. 70 CP: en cas de séquestre pénal de l’immeuble;
immeuble appartenant au patrimoine administratif d’une commune,canton ou de la Confédération: dans ce cas, les règles du cautionnement simple remplacent l’hypothèque légale (voir art. 839al. 4 CC);-
art. 648 al. 3 CC: lorsque l’immeuble fait l’objet d’une copropriété et que les parts sont déjà grevées d’une charge foncière ou d’un droit de gage, l’hypothèque légale n’est pas possible, à moins que tous les intéressés aient donné leur accord.
Dans tous ces cas, la constitution d’une hypothèque légale n’est alors pas possible.
5) L’absence de sûretés suffisantes
La constitution de sûretés suffisantes par le propriétaire de l’immeuble (par exemple une garantie bancaire) ferme la voie à l’hypothèque légale, dans la mesure où ces sûretés permettent à l’artisan de se voir assurer le paiement de ses prestations.
6) L’inscription de l’hypothèque légale doit intervenir dans un délai de 4 mois
Le délai pour inscrire l’hypothèque légale commence à courir dès l’achèvement des travaux.Il y a achèvement des travaux quand tous les travaux qui constituent l’objet du contrat d’entreprise ont été exécutés et que l’ouvrage est ainsi livrable.
Ne sont considérés comme travaux d’achèvement que ceux qui doivent être exécutés en vertu du contrat et du descriptif, non les prestations commandées en surplus. En outre, des travaux de peu d’importance,accessoires ou des retouches (remplacement de parties livrées mais défectueuses, correction de tout autre défaut) ne constituent pas des travaux d’achèvement.
En revanche, lorsque des travaux indispensables n’ont pas été exécutés,l’ouvrage ne peut pas être considéré comme achevé.
A noter que l’hypothèque légale doit non seulement être requise mais aussi inscrite dans le délai de 4 mois (art. 839 al. 2 CC). Dès lors, il convient généralement de procéder par le biais d’une requête de mesures provisionnelles, voire super provisionnelles, afin que le juge donne immédiatement l’ordre d’inscrire l’hypothèque légale provisoire au Conservateur du Registre foncier.